Les passantes jolies
Poème à une amie vieille
Dans les rues de la ville, regarde-les, ma mie … Toutes ces créatures, maquillées, reluisantes Silhouettes moulées, délurées, provocantes Vois-les venir à moi en la caricature D’une féminité tout en toc et dorure Sacerdoce voué à la mode en folie Elles jouent impunément à la femme jolie Prenant l’une pour l’autre avec légèreté Elles confondent, hélas, apparence et beauté Veux-tu que je te dise ? Moi, j’aime mieux ton corps, vivant son insouciance À devoir comme avant épouser l’élégance Oublié à jamais ce clownesque grimage Qui tout en séduction colorait ton visage Délaissée elle aussi ton allure féline Pour un pas fatigué et un dos qui s’incline Mais j’aime bien ce corps, par l’âge dénoncé Qu’aucun regard ne suit, mais ô combien racé Regarde-les encore… D’arrogance vêtues, en blondes ou brunettes Elles exposent leurs seins, leurs culs et leurs gambettes À des mateurs en rut, le sexe en érection Qui salivent d’envie en lorgnant leur croupion Ah, s’ils pouvaient offrir à leurs mâles ardeurs Ces fesses rebondies, ces célestes rondeurs Ah s’ils pouvaient pétrir, tous ces seins belliqueux Jouir de ces splendeurs les rendrait plus qu’heureux ! Veux-tu que je te dise ? Moi j’aime mieux ton corps, oublié du désir Loin d’une chair aimée exultant son plaisir Adieu galbes jolis montrant leur élégance Rien que formes vieillies, mais de noble prestance Mais qu’il est beau pour moi, ce corps livré au temps Honoré du vécu de ses nombreux printemps Oui, j’aime bien ton corps, tombé dans son oubli Vertueux en sa chair, par la vie ennobli Et puis encore… En un regard furtif, vois-les chercher, ma mie De leurs charmes surfaits en nos yeux l’alchimie Car être désirées leur offre la créance De vivre pleinement de l’amour la romance Et que dire, mon Dieu, du sourire obséquieux Que leur bouche façonne pour le rendre gracieux Mais laissons-les rêver la folle certitude De voir leur séduction devenue servitude Veux-tu que je te dise ? Moi j’aime ton regard, suave ambassadeur Des nobles sentiments qui colorent ton cœur Sur ta bouche flétrie affleure un doux sourire Que seul un cœur aimant est capable d’inscrire Je veux encore te dire que je suis amoureux Même un peu délavé du bleu de tes beaux yeux Et puis j’aime ta voix, grave et mélancolique Divine mélodie, discrète et pathétique Je veux encore te dire… Parfois, incidemment, mon regard en passant Accroche ces splendeurs au charme consistant Et si, un court instant, j’ai de l’homme ordinaire L’appel d’une nature animale et grégaire Sache qu’il ne saurait, ma mie, je te le jure Offrir à mes désirs la moindre nourriture Non. Plus aucun soupir n’habite mes sommeils Car à la pureté, mes rêves sont pareils Oui, pour toi je ne vis que tendres émotions Loin des tourments de chair et de ses tentations D’aucun s’amuserait à me voir amoureux D’un être endolori, au corps lascif et vieux D’aucun rirait de moi de me savoir chérir Un être qui n’a plus que son cœur à offrir Mais qu’importe, pour nous, leur incompréhension Laissons ces ignorants s’offrir la dérision S’ils savaient, mon amie, ce qui fait ta grandeur Crois-moi la jalousie ferait trembler leur cœur Non, ils ne savent pas le bonheur à aimer Un esprit haut et clair qui ne saurait frimer Non ils ne savent pas… Mais laissons-les souscrire À cette suffisance qui les fait nous médire Je dois encore te dire… Parfois, l’ennui de toi me fait t’apercevoir Trompeuse silhouette, autre sur le trottoir Abusé, tristement, mon regard se détourne Et mon cœur affligé vers ton être se tourne Vite je vais en moi, en un lieu de silence Retrouver en secret ta divine présence Là, je viens rencontrer, loin de toute insolence Ton âme auréolée d’un parfum d’innocence Quel bonheur de quérir en cette âme bien née Les grâces et vertus qui font sa destinée Quel bonheur de goûter à ce doux privilège Qui fait de mon amour un divin sortilège Alors les yeux levés, en noble promeneur Je contemple, ravi, cet astre qu’est ton coeur Qui magnifiquement, sous son dôme d’azur Rend mon ciel intérieur, plus brillant et plus pur Puis enfin t’avouer… Parfois, le soir venant, je cède à la faiblesse De vouloir sur ton corps exprimer ma tendresse Alors je vais rêvant, libérant mon émoi Comme si tu étais tout à côté de moi Avec les yeux fermés et mes lèvres ouvertes Mon cœur envoie « Je t’aime » à tes lèvres offertes Puis tout contre ton sein, mon visage se pose Et mon corps bienheureux sur le tien se repose Ne suis-je pas alors l’humain le plus heureux Savourant ces instants, divins et merveilleux Où la chair et l’esprit, s’accouplent tendrement Sans envie ni désir, rien que par sentiment Veux-tu que je te dise ? C’est ton âme que j’aime Et pour l’éternité, c’est mon âme qui t’aime.
@gilbertthomas
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