L’ami des simples
C’est un vieux mur en pierre
Sans verdure et sans lierre
Il a subi le temps
Vu passer des printemps
Écorché, tout tordu
Tout bossu, tout fendu
On passe; on ne s’attarde
Non ; nul ne le regarde
Et ce vieux mur en pierre
Qui se tient sans manière
Côtoie une maison
Son intime horizon
Au pied de la maison
À la belle saison
S’installent quelques fleurs
Aux multiples couleurs
On y voit le jasmin
Parler au lavandin
Et la rose trémière
Chercher haut la lumière
La pivoine éphémère
La pétale légère
Flatter le lys racé
Au corps bien élancé
Mais le mur, lui, s’en moque
Ses fleurs sont sans époque
Car c’est un bel herbier
Qu’il abrite à ses pieds
On y voit, pêle-mêle
La bien utile prêle
Le pissenlit sauvage
Dont on fait un usage
Le chiendent arrogant
Éternel et battant
Le liseron tenace
Qui s’étend et agace
On peut encore y voir
Mieux vaut l’apercevoir
L’ortie, haineuse dame
Qui pique et nous enflamme
Et c’est au soir brûlant
Parfois au soir couchant
Qu’on peut l’apercevoir
Avec son arrosoir
Il a le pas discret
Sans en faire un secret
De ce curieux loisir
Il tire son plaisir
Vous le verrez alors
Bien plus altier qu’un lord
Précautionneusement
Avec amour, s’entend
Verser une eau féconde
Sur tout ce petit monde
Qui fleurit et prospère
Au pied du mur de pierre
Et la Vie lui dit, Merci !
Ah oui… J’oubliais de vous dire que cette main salutaire,
eh bien… c’est celle de mon fils Olivier.