Au rendez-vous des biches
Aujourd’hui, c’est jour de marché; alors on biche
En ce lieu séculaire, la bonne humeur s’affiche
Sorti de son sommeil, impatient de renaître
Un petit monde attend le placement du maître
Alors, comme chaque fois, devenu habitude
Un curieux rituel se fait sombre attitude
C’est que chacun se veut au premier rang posé
Attirer le chaland, à sa vue proposé
Olives, condiments, sauces, préparations
Sucrés, salés, poivrés, dans leurs lamentations
Convoitent en secret la place la meilleure
Afin d’être choisis, d’être achetés dans l’heure
Suffisants, arrogants, de l’un l’autre jaloux
Conscients d’être goûteux, ils nous font les yeux doux
Farcie en son ego, tout autant qu’en son ventre
Luisante et bien joufflue, l’olive n’est pas tendre
“Ah non ! Pas vous, les câpres. Ici, c’est notre espace
Nous sommes les chouchous ; vous nous devez la place !“
Mélange provençal, mélange du soleil,
Pour honorer le sud, point elles n’ont de pareil
Et nous ? Clament en chœur tous les poivrons farcis
Tout pétant de couleur, bouffis et circoncis
Les tapenades, elles, au client hésitant
Font de l’œil à sa miche, à son pain croustillant
De se voir ignorées, les sauces n’ont pas peur
Les plats ont besoin d’elles pour gagner en saveur
Les condiments jubilent ; par-delà leur saveur
Les voir nous fait déjà tutoyer ce bonheur
Que toujours nous procure, généreux et festif
Ce moment fort prisé, nommé apéritif
Les sucrés, eux aussi, ont de quoi nous surprendre
Et comme les salés, leurs voix ils font entendre
Seuls ou bien en mélange, nature ou bien confits
Nul besoin d’appétit pour savourer ces fruits
Venus du monde entier, ils s’offrent en otages
À l’aimable Karim et à ses étalages
Ainsi se perpétue depuis bien des années
La futile empoignade de tous ces mets biens nés
Surtout, ne dites pas qu’ici rien ne vous tente
Ce serait faire un affront à l’envie en attente
Que se soit pour midi ou le soir en promesse
Offrez-vous la douceur qui met la bouche en liesse
Allez ! N’hésitez pas ! Car noble gourmandise
En cet endroit béni, ne peut qu’être de mise
Gourmets, curieux, voulez-vous que je vous dise ?
Panthéon de la bonne chair, temple du bien-manger
À nul autre pareil, ce lieu devrait se voir inscrit
Au Patrimoine gourmand de notre humanité