Mademoiselle Maya
De ma nature…
« Ah, je ris de me voir si garce en ce miroir »
C’est moi, Maya, chipie tout autant que mignonne
J’entends dire de moi que je suis polissonne
Je sais ; garce je suis et garce resterai
Autrement que chipie, non, jamais ne serai
Il est vain, sachez-le, de me le rappeler
Il me plaît d’être ainsi; cessons donc d’en parler
La suffisance et moi vivons, je vous l’assure
Sans gêne et sans conflit; ainsi est ma nature
J’ai la robe jolie, finement soulignée
Par trois nobles couleurs, blason de ma lignée
La grâce est mon habit; je suis une princesse
Qui porte fièrement son titre de noblesse
Pardon ? Que dites-vous ? Surfait l’encensement ?…
J’accepte, sachez-le, même le vouvoiement
Que dites-vous encore… Que mon impertinence
Se lit dans mon regard comme une rémanence ?…
J’ai un fort caractère, cela je le concède
Même si mon propos, je le vois, vous excède
Mais n’est-ce pas le trait de tout esprit râleur
Qui se veut pertinent tout en étant frondeur ?…
Allons ! Soyons sérieux ! Interrogez mon maître
Qui vous dira de moi, qu’au-delà du paraître
Si je suis une chipie, je suis aussi bonheur
Un petit bout d’amour qui régale son cœur
Notre rencontre
Je vous sens impatients et curieux de connaître
Ce qui fit se croiser mon destin et mon maître
Alors voici…
La lune scintillait; dehors il faisait bon
Afin de m’aérer, j’avais fui ma maison
Un tout dernier pipi avant la longue nuit
Puis quelques pas feutrés sous le ciel de minuit
Mon museau haut levé, je marchais bravement
Contemplant tout là-haut le vaste firmament
Allant de-ci de-là, je ne me suis pas vue
M’éloigner un peu trop: mince ! J’étais perdue
J’ai miaulé ; j’ai miaulé; j’ai pleuré au lointain
Jusqu’à ce que mes cris attirent un humain
Mais ici, mes amis, il faut que je vous dise
Comment je l’ai berné avec ma roublardise
Maligne, oui, j’étais, malgré mon tout jeune âge
Et je savais déjà maîtriser mon verbiage
Tout bas je lui ai dit: Garde-moi ! Garde-moi !
Je crois bien que mes mots l’on poussé à l’émoi
Car j’ai vu dans le noir ses yeux devenir tendre
Puis dans un bel élan vers moi ses mains se tendre
J’ai miaulé de plus belle, lui criant ma détresse
Alors que lui, touché, me montrait sa tendresse
Ainsi en sa maison, bien vite il m’a portée
Pour la nuit, pour la vie, il m’avait adoptée
De sa maison
Seule je pensais être à lui tourner autour
Lui faire les beaux yeux, à lui faire la cour
Quand il m’a présenté, pataud et demeuré
Un gros matou rouquin au regard éthéré
« Tiens ! Voilà ton fréro, il s’appelle Léon
Diminutif heureux de feu Napoléon »
J’ai ri en entendant ce prénom peu saillant
Tout autant que j’ai ri en voyant son allant
Je n’aurais, croyez-moi, pas été plus surprise
Tellement sa dégaine à elle seule est méprise
S’il s’était appelé Ursule ou Epsilon
Ou encore Anatole, et pourquoi pas Ducon
Je sais ne pas œuvrer dans la galanterie
En me laissant aller à cette moquerie
Surtout lorsque l’on est, en toute modestie
Un félin droit venu de l’aristocratie
Mais si la dérision n’est pas de bon conseil
Vous conviendrez pourtant qu’un animal pareil
À de quoi amuser et nous faire sourire
Quand on n’est pas d’emblée emporté par le rire
J’avais tort, cependant, de me sentir doublée
Par ce corps boudiné et sa tête râblée
Résister à Maya n’est que pure utopie
Et presto de mon maître je devins la croupie
De notre relation
L’affection n’est pour moi, et c’est dans ma nature
Que ce besoin de plaire, pas plus, je vous le jure
Je n’aime pas du tout que l’on me tripatouille
Ni les guili-guili, surtout pas la gratouille
Je les hais, je les fuis ; et quand je suis tenue
Cette promiscuité n’est jamais bien vécue
Aussi lorsque mon maître entre ses bras me presse
Me serre contre lui, pour un câlin tendresse
Je le sais dépité de ne pouvoir tenir
Sa petite Maya, trop pressée d’en finir
Pourtant, je vous l’assure, ce trait de ma nature
Ne le rend pas moins fier de sa progéniture
Il est tout fou de moi et c’est peu de le dire
Il faut le voir tantôt s’esclaffer ou sourire
Quand je me laisse aller et que ma drôlerie
Fait de lui un acteur de mon espièglerie
En chevalier servant il fait tout pour me plaire
N’écoutant que son cœur, même dans l’arbitraire
Que ne ferait-il pas pour sa belle drôlesse
Sa fille comme il dit, et de son cœur l’altesse
Ainsi ai-je hérité, sans le moindre chantage
De pouvoir à souhait m’isoler à l’étage
Pendant longtemps j’ai eu, ô plaisant privilège
Ce qui pour mon frérot était un sacrilège
D’être seule à pouvoir m’allonger sur son lit
Que ce soit pour siester ou pour toute la nuit
Je crois bien qu’être fille est un grand avantage
Lorsque dans la maison, un homme est à l’ouvrage
Mais mon sexe à lui seul ne saurait expliquer
L’attrait de mon espèce, et qui le fait craquer
Car il tient dans ce que ma nature colporte
De beau et d’attachant, et que ma grâce exporte
Mais je dois pour cela, vous faire confidence
Sur un comportement qui fait la différence
Ainsi comprendrez-vous que l’objet du délit
Dépasse largement cette affaire de lit
Un jour j’ai vu fréro venir s’y allonger
Et sans scrupule aucun, contre moi se loger
Allez savoir pourquoi, mon maître bien-aimé
S’est laissé soudoyer par ce ventre animé
Vous me croirez ou non, la jalousie m’a prise
Et très fort contre lui mon courroux fut de mise
S’il s’était contenté d’allonger sa bedaine
Sans se coller à moi, l’allure souveraine
Je l’aurais, croyez-le, volontiers accepté
Et de par ma bonté l’aurais même adopté
Mais à peine endormi, il s’est mis à ronfler
Puis sans la moindre gêne, péter et renifler
Décidément le mâle honore sa rudesse
Alors que nous les filles… somme délicatesse (eh oui !)
Dans la rue
La rue est cet endroit où il me plaît de vivre
D’un rien je m’émerveille, de la vie je m’enivre
J’aime bien m’y montrer, siester, m’y toiletter
Et par le frais Mistral, me laisser fouetter
Bien souvent j’y surprends par les propos tenus
La jalousie qui sied aux félins parvenus
Oui, je sais que je suis de noblesse agrée
Alors que ces félins n’ont aucun pédigrée
J’ai l’allure assurée, le sourire facile (et si !)
De celle qui se sait tout en charme et gracile
« Ah mais, » me dite-vous, « Beauté et arrogance
Ne peuvent qu’engendrer en nous la suffisance »
Sachez que je me fous de vos mots calomnieux
Qui me laissent penser que vous êtes envieux
Que ce soit le ragot ou bien le commérage
Croyez que ce tintouin ne peut me faire outrage
Parfois j’entends aussi, de par la populace
Que la honte devrait me colorer la face
Car du gros chat pansu, je suis la demi-sœur
Ce qui pour la famille serait un déshonneur
Soit ! Léon est lourdaud ; Léon est paresseux
Mais pas indifférent et surtout pas peureux
Car il sait dans la rue venir à mon secours
Quand un pressant félin s’en prend à mes atours
Les filles l’indiffèrent, sans parler du moineau
Qui le nargue en sifflant juste sous son museau
Non, ce n’est pas frérot qui va chasser l’oiseau
Car de l’oisiveté il est porte-drapeau
Lui préfère affronter le seul effort qui vaille
Et qui le fait bouger entre sieste et mangeaille
Alors que moi, Maya, point n’est la gourmandise
Qui me fait me nourrir, j’aime qu’on se le dise
Simplement le besoin de soigner mon image
Et donner son lustrant à mon noble pelage
Mais j’aime mon fréro. Il est comme un enfant
J’aime m’en prendre à lui, tromper sa vigilance
Jouer avec sa queue, l’énerver à outrance
Jusqu’au geste de trop, où là, il se rebiffe
Et me dit « Ça suffit !! » mais sans sortir la griffe
Et puis, quand je m’ennuie, je m’en vais prospecter
Dans le taillis voisin, car j’aime rapporter
Le moineau arrogant ou la belle mésange
Qui très tôt le matin, ma longue nuit dérange
Des proies qui sont fierté pour mon maître adoré
Car je vois bien qu’il est par ce geste honoré
Pourtant s’il reconnait mon indicible adresse
Il m’irrite et me fâche lorsque par sa tendresse
Il libère ma proie pour lui laisser la vie
Oubliant que ma joie demeure inassouvie
De ma notoriété
J’aime bien m’amuser et surtout provoquer
Les matous de tous poils, juste pour me moquer
J’adore les braver, jusqu’à les exciter
Chalouper mon fessier et me faire mater
Depuis un certain temps j’ai un admirateur
Demeuré à l’extrême, il fait dans la lourdeur
Il me dit fort m’aimer, et avec moi vouloir
Faire quelques chatons, dans l’ivresse d’un soir
Je lui ai dit, pourtant, qu’enceinte il me verra
Le jour où la cigale en hiver chantera
Mon maître, je le sais, me donne la pilule
Il met dans ma pâtée une blanche gélule
Afin que mon beau corps, ma ligne de princesse
Ne connaisse jamais le sort de la grossesse
Et c’est fort bien ainsi car dame liberté
Est plus chère à mes yeux que la maternité
Vous me voyez tétée par un bébé qui braille
Et lécher tous le jour son pelage en bataille ?
Me savoir éreintée, et que ma servitude
Sera vite évincée par son ingratitude ?
Ah non ! Car sans tarder ils laissent la famille
Pour un joli minet ou une jolie fille
Certes, ces derniers temps, je me suis engraissée
Et l’on pourrait me croire fraîchement engrossée
Mais ne serait-ce pas la grossesse nerveuse
Qui me fait arrondir mon ventre de valseuse ?
Non ! Ne riez pas ! Se moquer est interdit
Car se sont mes copines, eh oui, qui me l’ont dit.
Et puis, là, je m’en fou ! Mon charme est tout entier
J’adore m’exposer ; j’assure ! J’ai du métier
Je ne vous ai pas dit ? Au concours de beauté
Miss Provence féline, je serai présentée
Alors, à tout instant, il me photographie
En faisant de mon corps une chorégraphie
Moi, je lisse mes poils et puis je prends la pose
Pour la postérité, fièrement je m’expose
Maintenant, écoutez ! Je vais vous étonner
Quand je vous aurai dit, et sans fanfaronner
Que j’ai l’insigne honneur d’accompagner mon maître
Sur sa page Facebook où il me fait connaître
Ah je ris de me voir si belle en ce miroir
Où des milliers d’humains se plaisent à me voir
En rond sur ses genoux, j’ai droit aux commentaires
De tous ces gens curieux des félines affaires
On me trouve jolie ; il me plaît de l’entendre
Avec mes yeux fripons j’ai du charme à revendre
Et mon maître ravi par cet encensement
Biche bien plus que moi ; pour lui le compliment
Les humains sont naïfs. Mais doit-on s’en vanter
Quand on les voit heureux de se laisser mater
Ils se plaisent à croire qu’ils nous ont adoptés
Pensant sincèrement qu’on les a mérités
Alors qu’en vérité, en roublards attendris
Toujours nous ferons d’eux nos esclaves chéris
Et n’oubliez pas de laisser un commentaire sur le net…
Allez ! Chalut !
Maya





