L'homme au bonnet
L'homme au bonnet

Olivier, l’homme au bonnet

Il arrive à la salle de sport…

L’esprit s’accorde au lieu. L’instant est solennel
Il entre en cet endroit tout comme en religion
Irrésistible et fort, en lui sourde un appel
Qui procure à son pas sa détermination

Fatale est sa venue. Mature est la passion
Qui fièrement en lui d’un rêve se nourrit
Et si vous le pensez marié à l’obsession
Sachez qu’un grand dessein en son cœur il chérit

Surtout ne croyez point l’ego être l’acteur
Qui le pousse instamment à vivre le paraître
Il n’est, je vous le dis, que l’humble précepteur
De l’auguste beauté que possédait son maître

Harmonieuse et racée, la fine ciselure
Qui procure à son corps sa masculinité
Se modèle en secret sur l’esthétique pure
D’Apollon, ce dieu grec, par la grâce habité

Vous savez maintenant où se cache son rêve
Dans ce candide attrait, charnelle dévotion
Qui le pousse instamment, sans faiblir et sans trêve
À modeler son corps jusqu’à la perfection

Il prépare son corps…

Son bonnet ajusté, regardez-le s’offrir
Une chorégraphie qui le tend et le tord
Il assouplit ce corps qu’il va faire souffrir
Et par ces contorsions demande son accord

Voyez sous son habit la saillante plastique
Du membre qu’il contraint, du muscle qu’il détire
Le geste laisse voir, ô ligne magnifique
La belle anatomie qui se cambre et s’étire

Le voici…

Il est prêt, maintenant. Le muscle devient roi
La charge est aux aguets. Elle craint ce soldat
Qui sans ménagement veut lui dicter sa loi
Et lui faire subir un singulier combat

L’haltère se défend. Le muscle est à l’ouvrage
Il rugit en ce corps qui perle sa sueur
La chair est éprouvée. Creusé est le visage
Où s’inscrit, grimaçant, le trait de la douleur

Le distraire est proscrit. Du monde il est absent
Sachez qu’en ces instants tout de vous l’indiffère
Et quand vient lui parler l’imbécile inconscient
Contre lui sourdement des insultes profère

Observez-le tantôt et captez en son œil
Son fier contentement d’avoir été vainqueur
Laissez-le savourer ce bref sursaut d’orgueil
Quand la charge vaincue se rend à son seigneur

Le plaisir est parfois enfant de la douleur
Magique exaltation par l’effort attisée
Et c’est le cœur empli d’un pudique bonheur
Qu’il va quitter ce lieu avec sa chair brisée

Son pas l’a emmené. Son corps s’est fait absence
Pour vous il est ailleurs. Il n’en est rien, pourtant
Il demeure en ce lieu, invisible présence
Qui inlassablement, vient à vous chuchotant

Étranger il se veut à ce comportement
Qui le verrait servir sa propre vérité
Venez plutôt quérir ce que plus humblement
De passion en raison la sagesse a dicté

Écoutez !…

Ô toi athlète-ego, imbu de ton reflet
Musclor en devenir ou costaud parvenu
Par pure vanité ne soit pas ce valet
Qui brade sa santé pour un rêve charnu
N’oblige point ton corps à folle démesure
Esclave consentant de ta noble passion
Laisse-le sagement vivre cette aventure
Sans vouloir l’asservir à vile perversion
Car un être, vois-tu, ne saurait à outrance
Qu’être muscles surfaits et galbes licencieux
Un bellâtre affecté qui tout en rutilance
Attire le regard des moqueurs et envieux
En un mot comme en cent, respecte ta nature
Ne laisse point l’orgueil galvauder ta beauté
Ne fait pas de ton corps une caricature
Que le sain et le vrai engendrent ta fierté

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