Chez Oriez
Entrez ! Mais entrez donc ! Ne vous détournez point
Pardon ?… Que me montrez-vous là ?… Votre embonpoint ?…
De grâce ! Oubliez-le ! Certes contre nature
Vos papilles, croyez-le, font fi de sa mesure
Allez ! Pour ses gâteaux, augustes œuvres d’art
Pour ses viennoiseries, faites donc un écart
Épicure, je le sais, aurait aimé connaître
Cet endroit alléchant où le bon goût est maître
Vous hésitez encore ? Ce n’est point raisonnable
Pourquoi se retenir quand tout est délectable
Entendez-le vous dire sourdement à l’oreille
« Cède donc à l’envie qui tout en toi sommeille
Caresse du regard mes goûteuses couleurs
Et toi, bouche gourmande, salive mes saveurs
Invite à tes envies la crème pâtissière
Le moelleux d’un croquant, la ganache légère »
Voyez comme ils sont beaux, simples ou maniérés
Coiffés ou enrobés, joliment décorés
Face à la Madeleine, nue sous son manteau
Majestueux et fier, l’Opéra fait le beau
À genoux, en prière, se tient la religieuse
Prête à se défroquer, lassée d’être pieuse
À ses côtés l’éclair, prince d’un ciel d’orage
Voudrait bien qu’un gourmand le détienne en otage
Le millefeuille, lui, rutilant et crémeux
Espère un écrivain et ses mots savoureux
On peut aussi craquer pour un chou à la crème
De la pâtisserie il demeure l’emblème
Ou s’émouvoir du sort d’un mendiant solitaire
Qui attend patiemment charité salutaire
Forêt noire, Paris-Brest, figue ou bien puit d’amour
Laissez-les vous séduire à toute heure du jour
Alors, amis gourmets, honorez ce saint lieu
Antre de la douceur, temple de ce Bon Dieu
Qui jadis, indulgent, nous permit quoi qu’on dise
De vivre ce péché qu’on nomme gourmandise
Choisissez ! Savourez ! Vous en serez baba !
(Au rhum, cela va de soi)
